Interview du Chef de l’Etat Faure Gnassingbé lors de son séjour en Egypte: « Nous devons tout faire pour que la jeunesse reste une chance et qu’elle reste l’avenir de l’Afrique »

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En marge de la visite de travail qu’il a eue en Egypte avec son homologue Abdel Fattah Al Sissi, le Chef de l’Etat Faure Gnassingbé a accordé une interview exclusive à l’une des plus importantes chaines de télévision des « pharaons ». C’est la chaine Nile TV International qui a eu ce privilège de recevoir le Président togolais sur différents sujets d’intérêt commun dans le cadre du raffermissement des relations de coopération entre l’Egypte et le Togo. L’intérêt et la portée de cette interview amènent la rédaction de Le Messager à vous la proposer dan son intégralité de.
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Nile TV International : Nous avons le plaisir d’avoir avec nous le Président, Son Excellence Monsieur Faure Gnassingbé, Président de la République togolaise, Monsieur le Président Merci, d’abord d’avoir accepté cette interview.

Faure Gnassingbé : Merci beaucoup

Nile TV : Alors, l’Egypte est un pays que vous connaissez, justement vous entretenez de très bonnes relations avec le Président Abdel Fattah Al Sissi

Faure G : Merci beaucoup. D’abord je voudrais vous dire que je suis très heureux d’être ici en Egypte et aussi de pouvoir m’exprimer sur votre chaine. J’ai effectivement l’honneur et le plaisir d’entretenir de bonnes relations avec le Président Sissi comme beaucoup d’autres Chefs d’Etat africains, pour la bonne et simple raison qu’il a donnée une nouvelle impulsion, il a redynamisé les relations entre l’Egypte et les pays de l’Afrique Subsaharienne. Nous le voyons de façon assidue dans nos réunions continentales avec le sérieux, la rigueur et l’autorité qu’on lui connait et ça nous fait plaisir parce qu’il apporte une grande contribution à la gestion et à la résolution des problèmes de notre continent.

Nile TV : Quel est le regard justement, le votre et celui de l’Afrique en général, sur ce retour ? C’est vrai que l’Egypte a été un tout petit peu absent sur le continent, avait tourné le dos au continent et on a l’impression depuis deux ans maintenant que l’Egypte revient sur le continent?

Faure G : C’est vrai, je peux atténuer votre jugement en disant qu’un grand pays comme l’Egypte avec une forte diplomatie n’a jamais été vraiment absent. Mais seulement la visibilité était moins forte. Avec le Président Sissi on sent une réelle volonté. Les tous premiers Chefs d’Etat qui l’ont rencontré lors de son investiture, ils ont été très marqués par la vision qu’il avait des relations entre l’Egypte et l’Afrique. C’est ce que nous ressentons et nous en sommes plutôt satisfait parce que pour ceux qui comme moi, je l’avoue un peu à mon désavantage, ont découvert l’Egypte plutôt récemment, nous sommes très impressionnés, en tout cas moi je suis très impressionné par la vitalité, les infrastructures, l’expertise, le secteur privé qu’il y a. je pense que l’Egypte a beaucoup à apporter à l’Afrique. Notre présence ici incarne bien cette volonté. Je pense que c’est aussi une attente de la part des pays africains de voir l’Egypte entretenir des relations étroites avec nous.

Nile TV : Quels sont aujourd’hui les rapports entre l’Egypte et le Togo ? Je sais qu’il y a beaucoup de zones de collaboration, je sais qu’il y a beaucoup de projets en commun, est-ce que vous pouvez nous donner les détails de ces relations ?

Faure G : Aujourd’hui, les relations ont été traditionnellement très bonnes entre nos deux pays mais la coopération, il faut bien le dire, était plutôt modeste. Depuis ces deux dernières années, elle s’est enrichie, elle s’est diversifiée. Je peux citer l’exemple de l’agriculture. Le Togo est un pays agricole, le poids de l’agriculture dans notre économie représente à peu près 60% et les rendements sont plutôt faibles. En tout cas on peut faire mieux et je sais qu’en Egypte vous maitrisez assez bien les techniques agricoles. Notre présence ici est de mesurer et de partager cela avec des pays frères d’Afrique. Nous sommes un des bénéficiaires. Vous avez aussi le domaine du transport, des transports maritimes, Lomé se veut être un des hubs de l’Afrique de l’Ouest, nous avons la chance d’avoir un grand port et nous avons noué des relations avec des ports égyptiens. Un mémorandum d’entente a été signé à cet effet. Ensuite, le transport aérien, nous avons également une compagnie aérienne à vocation régionale. Mais il faut bien dire qu’au niveau des compétences humaines, nous sommes un peu limités. Alors il y a même le ministre des transports togolais qui rencontre les autorités de l’aviation civile d’Egypte et au port d’Alexandrie d’Egypte, là aussi c’est un domaine de coopération qui très vite va connaitre un essor. Bien naturellement, la question de la lutte contre le terrorisme, le Président Sissi nous fait cette grande générosité de former les gens aux techniques de renseignement et à la lutte contre le terrorisme. Et puis je ne voudrais pas passer sous silence le rôle de certaines organisations, par exemple l’Eglise orthodoxe qui envoie des missions médicales, des missions d’éducation dans nos pays. Et donc je pense que ce travail gouvernemental est complété par ces organisations caritatives et aussi le secteur privé. Nous avons la chance et le plaisir de voir que les entreprises privées égyptiennes gagnent du travail au Togo mais aussi des pays de la sous région. C’est une coopération qui est assez riche et qui a plusieurs dimensions.

Nile TV : La coopération qui a été dynamisée, vous l’avez dit tout à l’heure, par le Président Sissi et par la nouvelle diplomatie égyptienne, c’est vrai. Vous savez, on se pose d’abord la question que monsieur l’Ambassadeur de l’Egypte au Togo, monsieur Mohamed Karim Sherif, il est très actif, il y a beaucoup de délégations (NDLR : égyptiennes) qui sont venues avec le Premier Ministre (NDLR : égyptien) faire une visite à Lomé.

Faure G : Absolument, vous voyez (rire), l’Ambassadeur égyptien a beaucoup d’énergie, d’effort et de talent également pour dynamiser cette coopération. Si j’osais, je dirais que probablement un des meilleurs ambassadeurs au Togo. Il a beaucoup fait pour redynamiser nos relations. Ça nous encourage et je crois que ça traduit quelque chose. Moi j’ai été assez agréablement surpris par la chaleur et la sincérité de mes entretiens avec le Président Sissi et je ne suis pas le seul à le penser. Je vois aussi l’intérêt que j’ai. Cette fois-ci je suis venu pour une visite de travail et privée mais j’ai la chance de m’exprimer sur une chaine importante d’Egypte. Je crois que cette impulsion de leadership est donnée par le Président Sissi mais à un mouvement d’ensemble.

Nile TV : Votre pays le Togo a été surnommé ce qu’on appelait encore la Suisse de l’Afrique (…). Aujourd’hui, parlez nous des grands projets qui existent, on sait qu’il y a un port, par exemple le port de Lomé qui est l’un des plus importants au monde, des projets de développement, vous avez parlé tout à l’heure de l’agriculture. Dans d’autres domaines également, le tourisme par exemple?

Faure G : C’est vrai, le Togo a connu quand même une période assez difficile, nous sommes en train de sortir de cette période et il y a aujourd’hui un mouvement d’intégration et donc le Togo se positionne par rapport à ce mouvement là. Il y a une émulation assez positive entre les différentes capitales, chacun veut renouer avec le Togo. Donc quand moi je vois les relations entre l’Egypte et le Togo, je comprends les relations entre l’Egypte et l’Afrique de l’Ouest parce que à partir du Togo, je suis sûr que l’Egypte va pouvoir toucher d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest. Nous avons le Nigéria qui n’est pas loin, nous avons le Ghana qui est à côté, comme à partir du Ghana, l’Egypte peut toucher aussi notre pays. Donc je pense qu’un pays avec une telle puissance économique, avec un secteur privé aussi dynamique ne doit pas seulement avoir des relations avec un pays de façon bilatérale, c’est important, c’est sûr, mais aussi avec toute une région. Je crois qu’au Togo nous avons le port, nous avons l’aéroport à vocation régionale avec une compagnie qui joue le rôle sous régionale en Afrique de l’Ouest. Nous avons également les banques les plus performantes de développement en Afrique de l’Ouest qui sont installées au Togo. Donc c’est sur ça que nous voulons bâtir pour être vraiment un centre de services en Afrique de l’Ouest.

Nile TV : Monsieur le Président il y a douze jours à peu près Monsieur Houngbo a été élu à la tête du FIDA, le fonds international pour le développement agricole. C’est un ancien Premier Ministre togolais. Est-ce que vous avez parlé avec le Président Sissi de soutiens mutuels entre votre pays et l’Egypte sur par exemple la nomination à l’UNESCO de l’Ambassadrice (…) que vous avez rencontré d’ailleurs, si je ne m’abuse?

Faure G : Absolument, je l’ai appelé et on s’est rencontré. En fait c’était plutôt altruiste. Je pense que le soutien de l’Egypte a été spontané. Ce n’était pas dans une logique de donnant donnant, c’est plutôt dans une logique africaine où les leaders africains ont gagné en expérience et nous savons pour autant que l’Afrique peut apporter au monde. Nous sommes tous pour un espace de démocratisation des postes au niveau internationale. Donc ce qui a commencé avec nous et avec le soutien actif de l’Egypte mais aussi d’autres pays, ça se poursuit avec l’UNESCO. Je pense que l’Ambassadrice que je viens de rencontrée a une vision qui correspond vraiment au défi que nous sommes confrontés aujourd’hui, notamment le défi de l’éducation, au Togo, le défi de l’éducation. C’est vrai que le système éducatif peut être amélioré, ça c’est une litote. Je crois que une grande organisation au service de l’éducation en Afrique, cela peut être positif. Nous saluons l’expérience pour elle, c’était aussi le cas du Premier Ministre Houngbo. Donc on ne peut plus parler d’une candidature égyptienne, on parle maintenant d’une candidature africaine, c’est la candidate de l’Afrique et c’est ce que nous avons exprimé lors du dernier sommet de l’Union Africaine.

Nile TV : Quelles sont vos relations avec les pays européens ? Je voudrais juste avoir une réaction. Je ne sais pas si vous avez suivi il y a deux jours, Emmanuel Macron qui est un des prétendants favoris peut être à l’élection présidentielle en France, s’est rendu en Algérie et il a dit que la colonisation était un crime contre l’humanité?

Faure G : Rire… D’abord je pense que par rapport aux événements douloureux que le monde a connu, je trouve que la colonisation, peut être aussi la traite négrière n’ont pas suscité l’attention qu’il fallait et donc Monsieur Macron accepte de créer un nouveau débat. Je lui fais l’amitié de penser que ce n’est pas seulement une idée électoraliste. Je pense que c’est une bonne chose surtout que récemment encore on a eu des avis divergents de la part d’autres candidats qui ont eu des propos un peu malheureux sur la colonisation. Donc cette prise de conscience là, elle est importante. L’Afrique a payé le lourd tribut à la décolonisation et notre organisation mère, l’Organisation de l’Unité Africaine dont l’Egypte est l’un des membres fondateurs ait consacré beaucoup d’efforts à la libération de l’Afrique donc à la décolonisation. Je pense que le mot n’est pas exagéré?

Nile TV : Monsieur le Président on a l’impression que les africains ne se retrouvent que pendant les compétitions sportives. Alors on a eu la dernière Coupe d’Afrique des Nations, les Eperviers c’est vrai, on attendait à eux quand même un tout petit peu. Mais là c’est vrai qu’Emmanuel Adébayor par exemple est une des figures les plus connues. Est-ce que vous pensez que le sport peut rapprocher un tout petit peu le continent africain ?

Faure G : Le sport et singulièrement le football, je pense, est très populaire au sein de la jeunesse africaine. Je crois que notre jeunesse, si j’utilisais un mot qui est à la mode, se connecte beaucoup plus rapidement que les adultes. Donc c’est sûr que le sport peut beaucoup faire pour l’intégration et le rapprochement des peuples africains. Mais je dois noter, quand on voit ce qui s’est passé la dernière fois à l’Union Africaine avec l’adhésion, qu’il y a quand même cette conscience, ce sentiment naturel spontané d’être africain au sein de la jeunesse africaine et je pense que ce mouvement doit être développé. A ce titre, je voudrais souligner quelque chose que j’ai remarquée ici, c’est le Président Sissi qui m’a parlé un peu de la conférence de la jeunesse, parce que Madame la présidente de la Commission avait félicité le Président Sissi pour cette initiative et encouragé les autres pays africains à s’inspirer de ce qu’on appelle cette bonne pratique. Il m’en a parlé et j’ai été très séduit par l’idée. Les études sur la jeunesse, les réflexions sur les jeunes, il y en a beaucoup, mais concrètement une action qui va et qui est destinée à la jeunesse, pour l’écouter, pour lui rendre compte et pour lui expliquer, ce n’est pas très fréquent. Donc c’est une expérience qui nous intéresse et je suis sûr que ces conférences vont fleurir un peu partout sur le continent.

Nile TV : D’autant plus que quand on parle de continent jeune, je pense que l’Afrique c’est le continent jeune par excellence?

Faure G : Excellence, absolument, absolument. Et cette jeunesse pour nous, nous devons tout faire que ça reste une chance et que ça reste l’avenir de l’Afrique.

Nile TV : Monsieur le Président, avant de quitter, juste si vous pouvez dire un mot aux téléspectateurs égyptiens qui nous regardent (NDLR : le même mot aux lecteurs de Le Messager-actu.com) ?

Faure G : D’abord, qu’ils ont, ils le savent déjà, un beau pays, un pays formidable avec d’énormes potentiels. Mais comme la plupart de nos pays, il y a également des défis, mais j’ai confiance que l’Egypte et l’Afrique s’en sortiront et que nous tiendrons toutes les promesses.

Nile TV : Merci Monsieur le Président?

Faure G : Merci beaucoup.

Réalisation : Nabil El Choubachy, Nile TV International

Transcription : Ch Djagou, Le Messager-actu.com

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