Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde Afrique, Cina Lawson, la ministre de l’économie numérique, estime qu’il faut adapter le système éducatif aux débouchés de demain.
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Tribune. Du 9 au 12 janvier, le Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas a, une nouvelle fois, retenu l’attention du monde sur les nouveautés en matière d’innovation numérique. Sur des centaines de stands ont été dévoilées les nouveautés qui feront progressivement évoluer notre quotidien dans les années à venir.
Il est intéressant de constater que, les années passant, l’Afrique est en passe d’acquérir une place prépondérante au CES, avec un pôle qui lui est entièrement consacré. La vitrine technologique du monde est maintenant aussi la vitrine du développement africain en matière de numérique, à travers des initiatives toujours plus nombreuses et de qualité. Les téléphones portables jouent un rôle majeur, pour communiquer évidemment, mais également pour s’informer, payer, se soigner, etc. Le mobile est le catalyseur des innovations, alimenté par l’accélération de la couverture des réseaux haut débit 3G et 4G. C’est le fondement des innovations majeures actuellement à l’œuvre en Afrique.
Les emplois de demain
Derrière ce développement rapide se cachent évidemment des disparités entre les pays du continent. Mais la tendance est la même partout et le rattrapage technologique avance à grand pas. L’Afrique fait depuis quelques années figure de pionnière dans certains secteurs. Ainsi, en matière de paiement mobile, 52 % des transactions mondiales sont africaines. Plus de la moitié des utilisateurs de portables utilisent ce moyen de paiement au Kenya et en Tanzanie et plus d’un quart en Afrique du Sud, au Sénégal ou au Togo – alors qu’en Europe, ce mode de paiement demeure balbutiant dans de nombreux pays. Dans le domaine de la santé, l’Afrique est également capable d’être à la pointe, par exemple avec la mise en place de carnets de vaccination électroniques qui ont permis d’optimiser considérablement les campagnes de vaccination.
Appuyés par un volontarisme politique fort, de plus en plus de plate-formes d’innovations et d’incubateurs se développent sur l’ensemble du territoire. Au-delà de la désormais célèbre « Silicon Savannah » au Kenya, des hubs s’organisent dans la plupart des pays. Le Togo, par exemple, réunit autour de Lomé de nombreux incubateurs comme Woelab ou Innov’up, une structure dévolue à l’entrepreneuriat féminin inaugurée il y a un an. C’est là que naissent les services et les emplois de demain. Ce sont ces pôles qu’il nous faut renforcer pour permettre au continent africain de construire l’avenir.
Et pour y parvenir rapidement et de la manière la plus efficace, il nous faut investir massivement dans l’enseignement et dans la vulgarisation des nouvelles technologies. Si nous voulons donner à notre jeunesse les armes pour être compétitive demain sur le marché mondial de l’emploi et pour participer à la croissance africaine, il est impératif de donner la priorité à l’enseignement du code dès le primaire, mais avec un accent particulier sur l’apprentissage technique.
Une école gratuite de codeurs
L’enseignement que l’on pourrait qualifier de traditionnel est évidemment un socle indispensable pour notre jeunesse, mais c’est notre devoir d’adapter le système éducatif aux débouchés de demain. Pour l’instant, les initiatives en la matière sont peu nombreuses. Mais il en existe heureusement quelques-unes ! Particulièrement celle d’Andela au Nigeria ou bien celle de We Think Code, une ONG sud-africaine qui a ouvert la première école gratuite de codeurs, ouverte aux pays limitrophes, sur le même modèle que l’école 42 créée à Paris par Xavier Niel [actionnaire du Monde].
Les efforts gouvernementaux ainsi que l’investissement direct étranger devraient, à mon sens, privilégier ce type d’initiatives pour éviter de pérenniser un fossé technologique entre l’Afrique et les pays développés. En investissant dans la formation, nos Etats seront en mesure d’accompagner le développement en pensant à l’avenir, et non en voulant rattraper notre retard. Favoriser l’enseignement du code, de la programmation et des algorithmes, c’est investir dans notre jeunesse et dans l’avenir de notre continent sur le long terme.
J’en suis convaincue : le développement de l’Afrique passera par le numérique et les nouvelles technologies. Et le continent propose sans cesse de nouveaux projets, de nouvelles innovations, faisant la preuve du potentiel incroyable en matière d’innovation numérique. C’est une opportunité sans précédent pour l’Afrique de confirmer et d’étendre son leadership dans de nombreux secteurs d’activités ; nous devons la saisir, et exploiter l’ensemble des leviers à notre disposition.