Conférence de la région Diaspora préparatoire du 9e Congrès panafricain de Lomé : Robert Dussey   rend hommage au peuple Brésilien pour son   courage politique et pour sa lutte pour une société brésilienne réconciliée avec elle-même

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Les travaux de la conférence de la diaspora africaine dans les Amériques segment gouvernemental se sont tenus ce 31 août 2024 au Salvador, BAHIA.  C’est au Professeur Robert DUSSEY, Ministre des affaires étrangères, de l’intégration régionale et des Togolais de l’extérieur, que l’honneur est revenu de procéder à l’ouverture des travaux de cette rencontre.

Tout en remerciant, Luiz Inacio Lula da Silva, Président de la République Fédérative du Brésil, qui qui a honoré de sa présence à la rencontre, le ministre Dussey est révélé que cette rencontre marque une étape historique dans les relations entre les Peuples d’Afrique et leurs Sœurs et Frères qui se sont retrouvés, par le fruit de l’histoire, à l’autre bord des rives de l’Océan Atlantique .

« Bahia, autrefois porte d’entrée sans retour d’innombrables hommes et femmes arrachés à leurs terroirs et soumis à l’esclavage, accueille aujourd’hui les fils et filles des deux rives de l’océan, unis pour concrétiser les rêves de leurs ascendants de voir naître un monde empreint de justice, d’égalité et de liberté où tous les Hommes, sans distinction de race, de religion, de culture, de sexe ou d’origine sociale peuvent travailler ensemble et collaborer pour faire avancer l’humanité vers des lendemains meilleurs », laissé entendre Robert Dussey.

« Mémoires, restitutions, réparations et reconstruction », est le thème retenu pour cette rencontre, et selon le ministre, le choix du thème amène, est révélateur. Pour lui,  le Haut comité en charge de la Décennie des Racines africaines et des diasporas 2021-2031 institué par la 34e session de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine, a sans doute voulu replacer au centre du débat ces questions essentielles qui tiennent tant aux cœurs des africains et des afrodescendants.

Voici l’intégralité du discours du ministre Dussey

Excellence monsieur Luis Ignacio Lula Da Silva, Président de la République Fédérative du Brésil,

Excellence monsieur Mauro Vieira, ministre d’Etat des relations extérieures de la République fédérative du Brésil,

Mesdames et messieurs les ministres et chers collègues,

Mesdames et messieurs les membres du Haut comité pour la Décennie 2021-2031 des Racines Africaines et de la Diaspora Africaine,

Madame la Vice-présidente de la Commission de l’Union africaine,

Monsieur le Gouverneur de Bahia,

Mesdames et messieurs les membres du corps diplomatique et consulaire,

Mesdames et messieurs les représentants des organisations internationales,

Mesdames et messieurs les représentants des associations et communautés afrodescendantes et de la diaspora,

Distingués participants,

Mesdames et messieurs,   

Je voudrais, avant tout propos, exprimer au nom du Président de la République Togolaise S.E.M. Faure Essozimna GNASSINGBE, mes remerciements à Son Excellence Luiz Inacio Lula da Silva, Président de la République Fédérative du Brésil, qui nous a fait l’insigne honneur de marquer de sa présence cette conférence qui marque une étape historique dans les relations entre les Peuples d’Afrique et leurs Sœurs et Frères qui se sont retrouvés, par le fruit de l’histoire, à l’autre bord des rives de l’Océan Atlantique.

Je saisis cette occasion pour rendre, au nom du gouvernement togolais, un vibrant hommage à votre courage politique et à votre inlassable lutte pour une société brésilienne réconciliée avec elle-même. Pour nous, vous êtes la preuve que le panafricanisme n’est pas une question de continent ou de couleur de peau. Mais la vive conviction, fondée sur des valeurs humanistes partagées, qu’aucun peuple ou groupe de communautés ne doit être laissé pour compte ou rangé dans une seconde catégorie.

Excellence Monsieur le Président de la République,

Mesdames et messieurs,

Je me réjouis particulièrement de trouver tant de similitudes entre le Brésil et l’Afrique en ces terres où les visages, la cuisine, les mélodies, l’habillement et l’accueil chaleureux dont ma délégation et moi-même avons bénéficié depuis notre arrivée nous rappelle notre proximité géographique et nos étroits liens identitaires et historiques tissés dans le sang, la sueur et les larmes de nos ancêtres.

Bahia, autrefois porte d’entrée sans retour d’innombrables hommes et femmes arrachés à leurs terroirs et soumis à l’esclavage, accueille aujourd’hui les fils et filles des deux rives de l’océan, unis pour concrétiser les rêves de leurs ascendants de voir naître un monde empreint de justice, d’égalité et de liberté où tous les Hommes, sans distinction de race, de religion, de culture, de sexe ou d’origine sociale peuvent travailler ensemble et collaborer pour faire avancer l’humanité vers des lendemains meilleurs.

A l’image de Zumbi et de ses compagnons, qui s’étaient dressés contre la tyrannie et la domination des esclavagistes et brisés leurs chaines pour prendre leur destin en main, nos peuples aspirent aujourd’hui à briser les nouvelles chaines de domination et d’exploitation qui les maintiennent dans une misère et une paupérisation entretenues. Ces chaines sont moins visibles, mais pas moins déshumanisantes. Elles sont pernicieuses et inhibantes et appellent de notre part des réflexions approfondies et des méthodes adéquates pour les subjuguer.

Excellence Monsieur le Président,

Mesdames et messieurs,

Les africains et les afrodescendants portent sur leurs dos des siècles de domination et d’exploitation. Des siècles de spoliation qui ont engendré les retards de développement de nos Etats et relégué les peuples africains et les communautés afrodescendantes dans la précarité et l’exclusion sociale et économique.

L’Afrique a particulièrement payé un lourd tribut et subi une injustice historique. En effet, l’esclavage et la colonisation ont vidé ce continent de ses forces vives ainsi que de ses richesses minières et minérales. Les peuples d’Afrique ont été brutalisés dans leurs consciences ; leurs cultures et croyances ont été bafouées ; et leurs biens et richesses culturelles démolis, spoliés ou emportés.

Les fils et filles d’Afrique, les diasporas africaines et les afrodescendants compétissent aujourd’hui dans le concert des nations avec ce lourd handicap historique que feignent d’ignorer ou de minimiser ceux qui, d’une certaine manière, ont contribué à cette vulnérabilisation.   

Excellence Monsieur le Président,

Mesdames et messieurs,

En choisissant comme thème de cette conférence préparatoire de Bahia : « Mémoires, restitutions, réparations et reconstruction », le Haut comité en charge de la Décennie des Racines africaines et des diasporas 2021-2031 institué par la 34e session de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine, a sans doute voulu replacer au centre du débat ces questions essentielles qui tiennent tant aux cœurs des africains et des afrodescendants.

Car, il faut le dire, certains sont tentés de reléguer aux oubliettes les affres de l’esclavage et du colonialisme et de voir dans l’éveil des peuples d’ascendance africaine et le renouveau du panafricanisme les vestiges du passé. Il était donc plus que nécessaire de rappeler que les conséquences de ces actes soi-disant passés sont encore actuelles et la question de leur réparation ne pourra nullement être noyée sous les flots du temps.

Dans un monde en mutations profondes et inéluctables, rien ne peut continuer de justifier le silence, l’indifférence et l’inaction qui sont tenté d’être imposé aux peuples encore affectés par les conséquences de ces actes innommables.

Dans ce contexte, il est évident que l’heure n’est plus aux plaidoyers ou aux dénonciations. Nos illustres prédécesseurs à l’image de Kwame Nkrumah, Marcus Garvey et autres l’ont déjà si bien fait. L’heure est à la réflexion méthodique en vue de définir les voies et actions concrètes à suivre pour une juste réparation et une véritable réconciliation avec l’histoire.

C’est pourquoi je me réjouis du choix de la date, qui n’est pas anodin, de la tenue de notre conférence ministérielle. En effet, aujourd’hui 31 août 2024, nous célébrons la 4e « Journée internationale des personnes d’ascendance africaine », donnant ainsi l’opportunité à la communauté africaine et afrodescendante de faire montre de toute sa splendeur. Kwame Nkrumah ne disait-il pas que « Toutes les personnes d’ascendance africaine, qu’elles vivent en Amérique du Nord ou du Sud, dans les Caraïbes et dans n’importe quelle autre partie du monde sont des Africains et appartiennent à la nation africaine ».

En cette journée, je voudrais nous inviter a renouveler notre engagement à travailler ensemble pour un monde où la dignité humaine est respectée et où les droits de chaque individu sont protégés. Que cette célébration soit un appel à l’action pour tous, afin que nous puissions bâtir des communautés plus fortes, plus inclusives et plus prospères.

Si la « Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine 2015-2024 » est appelée à prendre fin sur le plan institutionnel, cette année, la nécessité de s’unir et de continuer de mobiliser les ressources de tous ordres pour plus de reconnaissance, de justice et pour le développement se doivent d’êtres inscrites dans la durée.  

En effet, en attendant une évaluation finale de la Décennie par l’Organisation des Nations Unies, je peux affirmer sans me tromper que nous devons tous continuer de consentir des efforts, prendre les mesures nécessaires et mener les actions concrètes indispensables pour promouvoir le respect et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; la meilleure connaissance, le respect et la contribution des personnes d’ascendance africaine au développement, améliorant ainsi leur situation.  

Excellence Monsieur le Président,

Mesdames et messieurs,

Il nous est peut-être venu à l’esprit de nous interroger au cours des travaux sur le retard de développement de l’Afrique et de l’Amérique Latine par rapport aux autres régions du monde ; à questionner la paupérisation qui semble n’affecter que certaines catégories de populations et leur descendance ; à interroger les fondements du racisme à l’égard des noirs pour naturellement parvenir à la conclusion qu’ils trouvent un fondement commun et plongent leurs racines dans les clichés et préjugés conçus pour justifier l’esclavage et la colonisation.

Je voudrais, pour ma part, nous exhorter à plutôt continuer de focaliser nos réflexions sur les voies et moyens de parvenir à une véritable réparation et à formuler des recommandations concrètes qui viendront enrichir les délibérations du 9e congrès panafricain qui, comme vous le savez déjà, aura lieu du 29 octobre au 2 novembre 2024 à Lomé, au Togo sous le thème : « Renouveau du panafricanisme et rôle de l’Afrique dans la réforme des institutions multilatérales : mobiliser les ressources et se réinventer pour agir ».

Excellence Monsieur le Président,

Mesdames et messieurs,

Il faut reconnaitre que sans la réparation de l’injustice historique qu’a subi l’Afrique et les communautés afrodescendantes, le cycle du racisme, de l’intolérance, de la discrimination et par ricochet de la paupérisation se poursuivra. La réparation est une exigence de la raison.

L’histoire nous offre des exemples de réparations obtenus par des peuples ou groupes d’individus. Qu’il s’agisse des juifs qui ont subi l’holocauste ou même, comble de cynisme, des anciens propriétaires d’esclaves, des formes de réparations ont été imaginées et mises en œuvre. Il ne s’agit pas ici de reproduire ce qui a été fait. Mais de décliner, sans tabous ni limites, des formes réalistes et concrètes de réparations, de restitutions, de mémoires et de reconstruction.

La route que nous avons ensemble entamée depuis le lancement officiel le 22 mai 2023 du 9e Congrès panafricain nous a amené, au-delà de la question des mémoires, des réparations, des restitutions et de la reconstruction, à aborder des thématiques variées pendant les cinq précédentes conférences, celle de Bahia constituant le dernier palier des six précongrès du 9e Congrès.

Nous terminerons aujourd’hui nos travaux et conclurons la série des conférences préparatoires. A l’issue du Congrès panafricain de Lomé qui agrègera les recommandations et propositions concrètes de ces conférences préparatoires et ouvrira des débats sur d’autres thèmes, nous trouverons les outils nécessaires pour réparer l’injustice historique dont ont été victimes les africains et Afrodescendants, les restaurer dans leur dignité, déconstruire les stéréotypes qui sous-tendent le racisme et le fascisme et avancer davantage vers la construction d’un monde meilleur, avec l’humanité et l’égalité en partage.

Excellence Monsieur le Président,

Mesdames et messieurs,

Dans cette dynamique, nous aurons plus que jamais besoin de fédérer nos forces, de mutualiser nos efforts, d’harmoniser nos démarches et approches et de définir des voies concertées de collaboration. Il ne s’agit pas d’une lutte d’une partie du monde contre une autre. Il s’agit d’une lutte pour un monde indivisible, un monde de justice, d’équité et de paix.

Il faudra de la détermination et du courage politique pour passer des excuses et regrets exprimés çà et là au sujet de la colonisation et de l’esclavage pour entamer un véritable processus de réparations, de restitutions et de reconstruction. Le chantier est vaste et vient seulement de commencer. La moisson s’annonce abondante si chacun y met du sien.

Je puis vous assurer de ma disponibilité et de mon engagement à aller jusqu’au bout de ce processus. Je vous invite à plus de détermination et à poursuivre vos réflexions au-delà de la conférence de Bahia et à tout mettre en œuvre pour participer au 9e congrès panafricain de Lomé que nous voulons non pas comme une rencontre de plus dans la longue liste des événements panafricains, mais comme une étape cruciale et décisive de notre marche vers l’émancipation et le renouveau des peuples africains, des diasporas africaines et des Afrodescendants.

Je vous remercie. Obrigado.