Salvador de Bahia accueille du 29 au 31 août 2024, en présence du ministre Robert Dussey et du président de l’ONG RAPEC, M. Ayité Dossavi, le pré-congrès de la Diaspora Africaine et des Afro-descendants en prélude au 9ème congrès sur le panafricanisme prévu du 29 octobre au 02 novembre à Lomé. Ce 6eme pré-congrès sur le panafricanisme, le dernier avant le congrès de Lomé est placé sous le thème : « Mémoire, restitution, réparation et reconstruction ». Le choix du thème s’explique par le fait que l’Afrique ne peut se retrouver ensemble avec les Afro-descendants sans parler de la Mémoire. Cette mémoire, il faut le relever, est celle de l’esclavage, de l’expérience tragique de la traversée de l’Atlantique. Le travail de mémoire permet de briser le silence autour de l’histoire de l’esclavage et de l’inscrire dans la mémoire collective de l’humanité. En ce qui concerne la restitution et la réparation, elles soulèvent la problématique de la justice dans une dimension historique. La communauté africaine en Afrique et ailleurs dans le monde a été victimes de plusieurs injustices et situations inacceptables et il est important que la question de la réparation soit posée. Le travail de reconstruction, en revanche, permettra à la communauté africaine de développer une mémoire commune des traumatismes du passé, de restaurer ou de renforcer les relations entre les Africains et les Afro-descendants refroidies sous l’effet de la distance et des récriminations. C’est en 2023 que la décision a été prise d’organiser le 9e Congrès panafricain de Lomé du 29 octobre au 02 novembre 2024 sur le thème : « Renouveau du panafricanisme et rôle de l’Afrique dans la réforme des institutions multilatérales : mobiliser les ressource et se réinventer pour agir ». Le 9e Congrès Panafricain de Lomé est une activité phare de la Décennie 2021-2031 des racines africaines et des diasporas africaines déclarée par l’Union africaine. Le Haut comité en charge de la décennie composé de 15 pays, présidé par le Togo, décidé de la tenue de six (6) conférences préparatoires dans six régions, en prélude au 9e Congrès panafricain de Lomé. Discours du ministre Robert Dussey Madame la Ministre de l’Égalité raciale du Brésil ; Monsieur le Ministre des Droits de l’homme du Brésil ; Madame la Ministre de la Culture du Brésil ; Excellences mesdames et messieurs les Ministres et chefs de délégation des pays africains ; Excellences mesdames et messieurs les Ministres des pays membres du Haut Comité de l’Union Africaine en charge de l’Agenda 2021-2031 de la « Décennie des Racines africaines et de la Diaspora africaine » ; Excellence madame la Vice-Présidente de la Commission de l’Union Africaine ; Monsieur le Gouverneur de Bahia ; Mesdames et messieurs les représentants des communautés d’Afro-descendants du Brésil ; Mesdames et messieurs les représentants des organisations diasporiques et panafricaines ; Mesdames et messieurs les personnalités et les représentants de la société civile panafricaine de par le monde mobilisés à l’occasion de cette rencontre de la communauté africaine ; Distingués invités ; Chers frères et sœurs ; Mesdames et messieurs ; Le Brésil sert, en cette fin du mois d’août 2024, de lieu de ralliement à toute la communauté africaine mobilisée et résolument en marche vers le 9e Congrès panafricain de Lomé. En cette occasion de retrouvailles fraternelles, je voudrais saluer la qualité des relations afro-brésiliennes qui ont facilité la tenue de la conférence régionale de la diaspora africaine, sixième région d’Afrique, ici en Amérique latine à Salvador de Bahia. Je voudrais particulièrement saluer, au nom de Son Excellence Monsieur Faure Essozimna GNASSINGBÉ, Président de la République du Togo, le penchant africain du Président de la République fédérative du Brésil Son Excellence Monsieur Luiz Inácio LULA DA SILVA dont la renaissance politique a été vécue en Afrique comme un véritable soulagement et dans l’ensemble du Sud Global comme le signe d’une nouvelle ère et d’un nouvel espoir. Mes remerciements et ceux de l’ensemble de mes collègues ministres membres du Haut Comité de l’UA en charge de l’Agenda 2021-2031 de la « Décennie des Racines africaines et de la Diaspora africaine » vont également à Son Excellence Monsieur Mauro VIEIRA, Ministre des Relations extérieures du Brésil dont la franche collaboration a facilité la matérialisation de notre projet de tenir le pré-congrès de la Diaspora dans un pays lié à l’Afrique par le lien du sang et l’histoire. Mes remerciements vont également à tous les collègues Ministres des Affaires étrangères africains qui représentent à ce rendez-vous le visage institutionnel et politique de la cause panafricaine. Mes remerciements vont enfin aux délégations des diasporas africaines et des communautés afro-descendantes du Brésil, du continent américain, d’Europe, d’Asie, d’Océanie et du monde entier. Le panafricanisme, c’est la fraternité de la communauté africaine et c’est ce que je ressens à chaque fois que je rencontre un Afro-descendant depuis notre arrivée au Brésil. Mesdames et messieurs, Nous avions entamé le processus devant conduire à la tenue du 9 e congrès panafricain dans le cadre d’une politique africaine de revitalisation des relations de l’Afrique avec ses diasporas et les Afro-descendants qui avait conduit à l’adoption en février 2021 de l’Agenda 2021-2031 de la « Décennie des Diasporas africaines et des Racines africaines ». Le processus a été également lancé dans un monde en panne où les aspirations de nos peuples à plus de justice et à une meilleure représentativité dans la gouvernance mondiale invitent à des réformes courageuses et inévitables. L’enjeu est donc double : redynamiser la relation de l’Afrique avec les Africains résidant à l’étranger et les communautés d’Afro-descendants, et porter les aspirations profondes des peuples d’Afrique à la réforme dans un monde en pleine recomposition. L’enjeu relatif à la redynamisation de la relation avec la diaspora et les Afro-descendants est au centre de cette conférence du Brésil après les pré-congrès régionaux de Prétoria (Afrique du Sud), de Bamako (Mali), de Rabat (Maroc), de Brazzaville (Congo) et de Dar-es-Salaam (Tanzanie). Le panafricanisme est né dans les milieux afro-descendants américains et caribéens et nous ne pouvons porter le panafricanisme du XXIe siècle sans les Afro-descendants. La dispersion des personnes d’ascendance africaine dans le monde après la traite transatlantique a imposé à la communauté africaine un devoir d’unité globale, un devoir dont les racines remontent à la fin du XIXe siècle et qui s’est matérialisé à travers la tenue de la première conférence panafricaine de 1900 à Londres à l’initiative de l’Afro-trinidadien Henry Sylvester-Williams et les différents congrès successifs. La première conférence panafricaine et les cinq premiers congrès, qui ont été tenus à l’extérieur du continent, étaient de véritables rencontres panafricaines entre, pour reprendre les mots de William Du Bois, des hommes et des femmes de « sang africain ». Le mouvement panafricain a porté à l’échelle mondiale dans la première moitié du XXe siècle l’élan d’émancipation de nos peuples et a préparé le vent de changement qui allait souffler sur toute l’Afrique dans les années soixante. Mesdames et Messieurs, William Du Bois disait lors de la première conférence panafricaine que la communauté africaine est appelée « à avoir une grande influence dans le monde à venir » et la question de la place de l’Afrique au sein des institutions internationales, notamment la défunte Société des Nations, était déjà au cœur des préoccupations du premier congrès panafricain de 1919. Plus de 100 ans après, c’est avec un profond regret que nous constatons que l’Afrique a peu d’influence sur le monde autant qu’elle est sous-représentée dans les organisations internationales et dans la gouvernance mondiale. C’est pourquoi le 9e congrès panafricain de Lomé sera placé sous le thème général de « Renouveau du panafricanisme et rôle de l’Afrique dans la réforme des institutions multilatérales : mobiliser les ressources et se réinventer pour agir ». En faisant porter au panafricanisme la cause de la réforme des institutions multilatérales et de changement de paradigme dans la gouvernance mondiale, nous assumons et portons un panafricanisme universaliste dont le combat rejoint celui d’autres entités mondiales œuvrant au triomphe de la justice entre les peuples. Mesdames et messieurs, Chers frères et sœurs Afro-descendants, Le choix du thème « Mémoire, Restitution, Réparation et Reconstruction » de la rencontre de Salvador de Bahia nous a été dicté par la conviction que nous ne pouvons nous retrouver autour de l’idéal panafricain avec les Afro-descendants sans d’abord parler de la Mémoire. La Mémoire dont il est question ici est celle de nos parents déportés, celle de nos frères et sœurs succombés lors du trajet transatlantique, celle des blessures de beaucoup d’Afro-descendants dispersés dans le monde et de leurs souffrances liées à la perte des origines, celle de leurs « Combats pour la liberté », de leur « long chemin vers la liberté », pour paraphraser Nelson Mandela. En disant cela, j’ai une pensée pour Toussaint Louverture d’Haïti, les victimes du crime de masse commis contre la communauté afro-américaine à Tulsa aux États-Unis en 1921, une pensée pour Malcolm X, le pasteur Martin Luther King et, plus proche de nous, une pensée pour George Floyd, et pour ces nombreux Afro-descendants anonymes qui ont versé leur sang sur le chemin périlleux de la liberté, de l’égalité et de la dignité universelle. Le travail de mémoire permet de briser le silence autour de l’histoire de l’esclavage et de l’inscrire dans la mémoire collective de l’humanité. Le 9e congrès panafricain de Lomé entend faire avancer ce travail à travers un ensemble de projets mémoriels et l’adoption d’un projet d’institutionnalisation d’une journée africaine de commémoration de la mémoire de l’esclavage et de la colonisation. Mesdames et messieurs, Nous ne pouvons pas, de même, nous retrouver avec les Afro-descendants sans évoquer les questions de restitution et de réparations. Ces deux questions soulèvent la problématique de la justice dans une perspective historique. Dans une perspective historique en effet, faire justice, c’est restituer le dû, c’est réparer les préjudices, et ici assumer la responsabilité de l’impact négatif des crimes de l’esclavage et de la colonisation sur le monde africain. Les demandes de restitution, qui concernent particulièrement les patrimoines culturels du monde africain pillés, s’inscrivent dans le cadre de la mobilisation de la communauté africaine pour se réapproprier et se réarmer culturellement dans une logique de redécouverte de soi. Ces demandes sont une composante de la question des réparations qui mobilise aujourd’hui la communauté africaine, autant en Afrique, en Amérique du Nord, en Amérique du Sud que dans les Caraïbes. Non seulement la traite transatlantique de nos frères et sœurs n’a pas été réparée, mais également continue d’impacter la vie des Africains et des personnes d’ascendance africaine dans le monde. C’est pourquoi, nous devons intensifier la mobilisation autour de la question des réparations pour en faire une préoccupation mondiale et contre le racisme et les injustices systémiques contre les Africains et les Afro-descendants. Se préoccuper de la dimension historique des réparations tout en prenant au sérieux les injustices dont sont victimes les Africains et les personnes d’ascendance africaine dans le monde actuel du fait de l’esclavage, voilà les deux bouts par lesquels il faut prendre et traiter la question des réparations. Mesdames et messieurs, À l’arrière-plan des demandes de réparations portées par la communauté africaine, il y a un enjeu relatif à la relationalité, à la reconstruction de nos relations avec les autres peuples du monde et à la réconciliation entre l’Afrique continentale et les Afro-descendants. Vous comprenez enfin pourquoi le pré-congrès du Brésil aborde aussi la question de la reconstruction. Le travail de reconstruction permettra à la communauté africaine de développer une mémoire commune des traumatismes du passé, de restaurer ou de renforcer les relations entre les Africains et les Afro-descendants refroidies sous l’effet de la distance et des récriminations. Il nous faut travailler entre Africains et personnes d’ascendance africaine pour reconstruire nos relations, apprendre à nous connaître davantage. La reconstruction de nos liens facilitera aux Afro-descendants intéressés par le « Back to Africa » cher à Marcus Garvey la redécouverte des pays et des familles d’origine de leurs parents. Le difficile chemin du retour passe par un travail de reconstitution et reconstruction, et l’une des résolutions fortes du congrès panafricain de Lomé sera la décision à l’échelle continentale de faciliter le retour en l’Afrique pour les Afro-descendants qui le souhaitent dans le cadre de la promotion d’une citoyenneté africaine. Chers frères et sœurs Afro-descendants, Vous avez parfois des raisons valables d’en vouloir à l’Afrique car l’Afrique n’a pas été toujours solidement mobilisée à vos côtés dans vos combats, dans vos luttes, dans vos aventures. Le sentiment de plusieurs d’entre vous vis-à-vis de l’Afrique est celui d’un sentiment d’abandon, des fils abandonnés par l’Afrique-mère, l’Afrique des origines et de vos racines. Regarder la situation actuelle d’Haïti et le peu de mobilisation aux côtés de nos frères Afro-descendants d’Haïti. Cela est bien inacceptable et fraternellement insupportable. D’autres Afro-descendants en veulent à l’Afrique continentale pour avoir été complice de l’enlèvement et de la déportation de leurs parents. « Vous nous avez vendus ». Tel est le cri de douleur de certains parmi vous. Je voudrais vous dire chers frères et sœurs Afro-descendants : Vos blessures sont nos blessures, mais aussi nos destins demeurent liés. La communauté africaine est une unité malgré sa dispersion dans le monde et notre africanité est ce qui nous spécifie en tant que communauté et nous lie à la grande famille de la communauté humaine. Vos parents ont été mis en esclavage en Amérique comme leurs parents restés en Afrique ont été soumis après aux travaux forcés pendant la colonisation. La condition, qui avait été imposée à notre communauté africaine obéissait en réalité à la même idéologie de subordination, au-delà des spécificités propres aux souffrances endurées par nos frères déportés en Amérique. C’est pourquoi, dès ses débuts, le panafricanisme se voulait rassembleur sur fond de solidarité fraternelle et orienté vers la revendication de la liberté pour les Afro-descendants et les Africains. « L’idée du panafricanisme surgit d’abord comme une manifestation de solidarité fraternelle entre africains et peuples d’ascendance africaine », disait Georges Padmore, l’une des figures bien connues du panafricanisme. |
Chers frères et sœurs Afro-descendants,
Pour nous générations actuelles, la renaissance africaine se fera soit avec vous ou ne sera pas au rendez-vous. « Africa Must Unite », proclamait Kwame Nkrumah en 1963. Vous faites partie de cette unité africaine puisque vous êtes des Africains. Être africain est plus qu’être né en Afrique disait le même Kwame Nkrumah. L’Afrique est en vous où que vous soyez. Vous faites partie de l’Afrique et vous êtes des Ambassadeurs de l’Afrique.
En soumettant à l’UA le projet qui a abouti à l’adoption de l’Agenda 2021-2031 de la « Décennie des Diasporas africaines et des Racines africaines », le Togo était persuadé de la nécessité pour l’Afrique de redynamiser ses relations avec les Afro-descendants. Les Afro-descendants sont des Africains de l’extérieur puisque le panafricanisme qui nous réunit lors de ce pré-congrès exprime, selon les mots de l’écrivain africain Mongo Béti, « le désir des africains de se rassembler ».
Mesdames et messieurs,
Je reste fortement persuadé que les conclusions qui sortiront de cette rencontre sur le thème « Mémoire, Restitution, Réparation et Reconstruction » viendront nourrir les travaux du 9e congrès panafricain de Lomé, prévu du 29 octobre au 02 novembre 2024, auquel je voudrais vous inviter.
Je voudrais, pour finir, lancer, au nom du panafricanisme, un appel de solidarité et de soutien à l’endroit du peuple frère afro-descendant d’Haïti qui traverse une situation difficile depuis un moment.
Vive le panafricanisme !
Vivent les relations Afrique–Afro-descendants !
Vivent la fraternité et la renaissance africaine !
Vivent les relations afro-brésiliennes !
Vive la communauté africaine de par le monde !
Je vous remercie pour votre attention.