Situation dans la région du sahel et l’appel du commissaire Smail Chergui : « Il est temps de redéfinir notre engagement dans la région du Sahel »

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La situation sécuritaire dans la région du sahel continue par inquiéter les dirigeants d’Afrique dont ceux de l’Union Africaine(UA). Dans un manifeste qu’il vient de publier, Smail Chergui, commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union Africaine, fait un coup de gueule, tout en relevant les causes de l’insécurité et des phénomènes djihadistes dans la région du sahel et en proposant des pistes pour relancer la guerre contre ces différents phénomènes afin de ramener la paix pour les populations. M. Sergui demande en outre que soit redéfini l’engagement des pays africains dans la région.

« Le Sahel requiert aujourd’hui une attention toute particulière, afin de conjurer la spirale de la violence et une accumulation des defis socio-économiques et leurs graves répercussions sur toute l’Afrique de l’Ouest et menacer davantage la paix et la sécurité internationales. Il est temps de redéfinir notre engagement collectif au Sahel », écrit le commissaire Samil Chergui pour qui, malgré la situation de la pandémie de la covid-19, la situation dans la région du Sahel reste au centre de toutes les attentions et préoccupations
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« Les menaces à la sécurité auxquelles sont confrontés le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, la Mauritanie et le Niger continuent de mettre à rude épreuve la sécurité humaine dans cette vaste région en accumulant le terrorisme et l’extrémisme violent, les violences inter communautaires, l’impact oppressant du changement climatique et l’impatience des populations par rapport aux déficits de gouvernance politique et Economique. Cela se traduit par les pertes en vies humaines, des déplacements massifs de populations, une pression insupportable sur les ressources naturelles, démultipliant les effets de destruction des attaques terroristes et les pertes opportunistes Economiques qui s’en suivent. Plus encore, un recul rampant des avancées démocratiques et socio-économiques », fait-il savoir.

Entre autres causes de la situation sécuritaire de lé région

« L’instabilité dans les pays voisins, comme la Libye, ceux ou active Boko Haram et la République centrafricaine (RCA) a facilité intention des agissements des groupes extrémistes violents et la criminalité transnationale organisée dans la région. La guerre civile en Libye et la dissémination de djihadistes et des armes dans les pays voisins ,notamment ceux du sahel, ont servi de multiplicateur aux effets du coup d’État de 2012 au Mali, dans une région déjà confrontée à un déficit de gouvernance, à des défis structurels, à la pauvreté, à la faiblesse du système judiciaire, à la porosité des frontières, au terrorisme, à Economie criminelle et à la prolifération des armes et de groupes rebelles.

La faiblesse des institutions maliennes a permis à tous ces groupuscules de se répandre dans tout le pays et au delà. Les groupes terroristes et extrémistes ont exploité les conflits inter communautaires existants et développé des discours de recrutement axés sur la marginalisation et la stigmatisation. Les tensions entre éleveurs et populations sédentaires autour des terres, l’eau et le fourrage ont été ainsi amplifiées en ciblant les éleveurs peuls et en donnant reconnaissance à leur ressentiments envers le gouvernement et les autres communautés devenues rivales. En raison de la peur, de la victimisation, des incitations financières et matérielles, de l’exploitation du vide laissée par l’administration locale en s’attribuant son role ; la population vulnérable de la région a, volontairement ou involontairement rejoint les groupes terroristes et les réseaux criminels », à en croire le commissaire qui e souligne les efforts déployés pour faire face à la situation.

Entre autres efforts déployés selon le commissaire

Le coup d’État de 2012 et la crise dans le nord du Mali ont provoqué une intervention militaire en janvier 2013 de la Mission internationale de soutien au Mali, sous conduite africaine (AFISMA), afin de soutenir les efforts des autorités nationales visant à récupérer et sécuriser le nord du pays. L’AFISMA a transféré, prématurément , son autorité en 2013 à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali(MINUSMA) désormais chargée de soutenir la mise en œuvre de l’Accord de paix d’Alger, la protection des civils et le soutien aux actions de stabilisation. D’autres partenaires du Mali se sont également déployés depuis cette date, initialement pour une courte durée, et s’y trouvent toujours.

La création de la Force conjointe du G5 Sahel en 2017 pour lutter contre l’insécurité, conjointement avec les 15.200 personnels de la MINUSMA et le soutien de partenaires extérieurs, a certes enregistré des avancées qui demeurent cependant non decisives. L’insurrection et les attaques entre communautés persistent en effet ,et la menace s’étend aux pays de la côte ouest africaine.

La violence quasi quotidienne, associée à des allégations récurrentes de manquements aux droits de l’homme, a dressé les communautés les unes contre les autres d’une part, et contre les forces de sécurité et de défense d’autre part. Le récent coup d’État au Mali est venu ajouter un autre niveau de complication, avec le risque de déperdition du progrès démocratique dans la région.

Convaincus de ce que la solution ne peut se limiter au militaire et au sécuritaire, le Sahel étouffe cependant du nombre sans cesse renommés de programmes et de plus de 17 stratégies régionales et internationales, même si le G5 Sahel a formule son propre Plan d’Investissement Prioritaire (PIP) en 2014. Les annonces de soutien connaissent tout au plus un taux de concrétisation de 20% et la situation dans la région se détériore de manière significative. Rien qu’en 2019, 800 incidents impliquant des groupes terroristes ont été enregistrés au Burkina Faso, au Mali et au Niger et une augmentation de 35% du nombre d’incidents violents dans le bassin du Lac Tchad depuis l’année dernière, selon le Centre africain d’étude et de recherche sur le terrorisme (CAERT), qui note également une recrudescence des attentats terroristes depuis le début de la pandémie de COVID-19 dans la région du Sahel.

Redéfinir une engament pour le sahel

Pour Smail Chergui , le moment est venu de revisiter et d’adapter la stratégie de stabilisation de la région du Sahel, une seule stratégie si possible. Il est essentiel de s’attaquer au miel qui attire les abeilles. Une approche multidimensionnelle est requise, combinant réponse militaire et sécuritaire, actions de développement, le primat de la justice et l’inclusion des communautés locales et des chefferies traditionnelles, les femmes et les jeunes dans la définition et la mise en œuvre des politiques. Bref, une approche qui respire l’appropriation nationale et régionale, loin de toute imposition de model ou de projets de développement, celle devant favoriser la reconstruction du tissu social et la consolidation de l’unite nationale des pays du Sahel. Par delà son soutien multiforme, le devoir de solidarité a amené l’Union africaine à lancer l’initiative d’un déploiement d’une force de 3000 soldats pour soutenir les pays du G5 Sahel en complément des efforts en cours de lutte contre le terrorisme. L’initiative a suscité le soutien des pays du G5 Sahel et au-delà et nous sommes en consultation avec tous les États concernés et la CEDEAO pour finaliser le concept d’operation, en tenant dûment compte des précautions supplémentaires dues à la pandémie de Covid 19. Mais une nouvelle fois, les solutions militaires seules ne suffiront pas, nous aurons besoin d’approches globales, inclusives, concertées et collaboratives pour faire face à la multiplicité des défis dans la région.

A cette fin, la bonne gouvernance ne doit pas rester un slogan creu, la reddition de comptes devra être sacralisée et le développement socio-économique doivent induire l’industrialisation et la création opportunistes d’emploi afin de surmonter les problèmes structurels actuels. Cela prend encore plus de pertinence compte tenu des menaces récentes aux acquis démocratiques dans la région,y compris le soulèvement populaire et le changement anticonstitutionnel de gouvernement ; une situation qui souligne la lassitude des citoyens face au statu quo et les revendications sans cesse exprimées pour plus de dignité. Les peuples africains exigent de plus en plus des gouvernements qu’ils les servent plutôt qu’ils ne se servent en subissant l’humiliante influence extérieure et le transfert illicite de leurs richesses nationales qui s’ensuit. Les Africains exigent la reddition de comptes et ne cachent pas leur colère du fait que toute une génération a été privée de l’opportunité de contribuer à une vie meilleure pour leurs familles et leurs communautés. La légitimité n’est pas une affaire d’un jour, c’est une conquête de tous les instants.

Dans l’avenir, la transformation des défis sécuritaires dans la région du Sahel nécessitera un examen impartial , global et une lecture partagée des menaces et des défis, pour favoriser des réponses stratégiques et coordonnées. Nos États membres dans le Sahel devront s’attaquer aux causes structurelles à l’origine des frustrations et des troubles sociaux qui alimentent le terrorisme, l’insurrection et la violence inter communautaire. En un mot, promouvoir la sécurité humaine avec toutes ses exigences. Notre Continent a changé et les Africains doivent s’approprier le processus et le cheminement vers un changement transformateur, induisant stabilité et prospérité avec le concours de nos partenaires et non plus sous leur dictée.

Au plan opérationnel, le soutien aux initiatives africaines, y compris la mise en œuvre du PIP, le Plan d’action 2020-2024 de la CEDEAO en vue d’ éradiquer le terrorisme; l’initiative de l’UA de déployer 3000 soldats pour soutenir la force du G5 Sahel dans la région du Liptako-Gourma et surtout le règlement urgent de la crise libyenne, sont de nature à conforter les efforts des pays concernés pour lutter contre le terrorisme, le crime organise et dupliquer la stratégie de stabilisation du lac tchad au Sahel.
Smaïl Chergui, est né le 4 septembre 1956 en Algérie. Il est Commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine depuis 12 octobre 2013.

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